-Debout les mômes ! lança Pierre tout en tapant une cuillère contre une casserole.
Misha posa les mains sur ses oreilles et gémit :
-Jamais je n'aurais du prendre mes ustensiles de cuisine !
-Oui, quelle erreur, soupira Angus, mais c'est fait et je crois qu'il faut nous lever.
Les deux enfants se levèrent de mauvaise grâce. Misha ouvrait la bouche et Pierre la coupa :
-Je ne veux entendre personne se plaindre qu'il a mal aux jambes ou au dos, je vous préviens...
-J'allais dire que j'ai faim, mentit Misha en rougissant.
Angus plia sa couverture en réprimant un éclat de rire.
Ils mangèrent rapidement, puis avancèrent à un rythme soutenu tout au long de la journée. Le réveil fut aussi difficile pour les enfants le lendemain matin, mais ils ne bronchèrent pas et se levèrent sans protester.
Pierre marchait moins vite, et Angus sourit à sa soeur.
-On va enfin être tranquilles aujourd'hui, on dirait...
-Chut ! chuchota Pierre.
Les enfants se regardèrent avec stupeur mais se turent. Et ils entendirent... le silence qui régnait dans les bois. Plus un pépiement d'oiseau, plus un coassement, plus rien sauf le souffle du vent qui faisait bruisser les feuilles des branches. Instinctivement, Angus et Misha se prirent la main. Pierre, quant à lui, avait déjà une main posée sur la poignée de son épée, ses yeux scrutant chaque espace entre chaque arbre. C'est alors qu'ils virent des yeux rouges briller dans la pénombre.
Tout d'abord une seule paire, puis d'autres qui arrivaient derrière.
Pierre jeta un oeil derrière lui, même si la fuite n'était pas sa solution préférée. Le plus urgent était de mettre les enfants en lieu sûr. Mais les paires d'yeux rouges qu'il vit derrière lui ne le rassura pas.
-Ne dites pas un mot, soyez naturel, et continuez d'avancer jusqu'à ce gros arbre, dit-il aux enfants. Dès que vous y êtes, grimpez le plus vite possible. Et surtout, ne discutez pas, faites ce que je vous dis.
Il regretta immédiatement ses paroles. Mais il n'avait jamais su s'y prendre, avec les enfants. Il vit une petite silhouette qui se cachait derrière sa mère alors qu'il voulait simplement le saluer... Qui était-ce ?
Une migraine lui vrilla les tempes. Comme si c'était le moment de tenter de retrouver la mémoire !! Ca pouvait attendre, il y avait plus urgent.
Pierre continua sa marche d'une manière aussi naturelle que possible, les enfants à ses côtés. Misha arriva la première à l'arbre. Elle y grimpa comme elle put, poussée par son frère, en dessous, qui grimpait juste après elle.
Les trolls surent qu'ils étaient repérés, et foncèrent attaquer. Pierre n'avait pas peur d'une dizaine d'hommes, mais lorsqu'ils étaient 100, c'était une toute autre histoire... Il se baissa pour éviter un gourdin qu'un homme lui lançait dessus, et riposta avec l'épée qu'Erwan lui avait donnée. Il se retourna et fendit deux hommes qui arrivaient par derrière, puis il se baissa et un homme qui voulait lui lancer un coup de marteau frappa son acolyte qui était derrière Pierre.
Une meute de loups arriva au pied de l'arbre dans lequel étaient les enfants. Pierre voulut se diriger vers eux, mais les trolls ne lui laissèrent aucune ouverture. Toutefois, Pierre fut bien vite rassuré lorsqu'il vit que les loups attaquaient les trolls. Il jeta un oeil aux enfants et vit Angus, les yeux fermés, comme en transe.
Mais qui étaient donc ces gamins ?
-Désolé du retard !
Une armée de soldats arriva des bois. Les hommes ne firent qu'une bouchée des trolls, ils étaient plus du double. Pierre s'écarta sur le côté, haletant. Un troll en profita pour lui lancer sa dague, et Pierre ne put reculer assez pour éviter totalement le coup. Il s'assit au pied de l'arbre dans lequel étaient perchés les enfants, et il regarda les loups partir en courant.
Les soldats allaient partir, alors Pierre se leva dans un effort et se dirigea vers celui qui semblait être le commandant.
-Qui êtes-vous ? lui demanda-il tout en maintenant une main son flanc blessé.
-Nous obéissons aux ordres du seigneur Ajuana. Et nous avons pour ordre de ne rien vous dire. Au revoir, et prenez bien soin des enfants.
Pierre regarda Angus et Misha. Le petit garçon semblait sorti de sa transe. Il leur fit signe de descendre, et le temps qu'ils rejoignent la terre ferme, l'armée avait disparu.
-Ils sont sympas de nous avoir aidés, mais ils auraient pu au moins dire qui ils sont, dit Misha.
-Nous sommes tous en un seul morceau, répondit Pierre, c'est déjà ça.
Misha inspecta la blessure de Pierre, et elle y passa un chiffon humide pour retirer les croûtes séchées.
-Ne bouge pas, dit-elle.
Ce fut à son tour d'être comme en transe. Elle fit le tour du champ de bataille et cueillit des herbes, ici et là, pendant qu'Angus faisait le même tour, mais pour piller les cadavres.
Misha pressa les herbes dans un petit gobelet de métal, à l'aide d'une cuillère, puis elle étala une pâte sur le flanc de Pierre.
Elle sortit de sa transe, comme hébétée, regarda l'emplâtre qu'elle venait de faire, et sourit à Pierre.
-Evite de trop forcer et ça ira mieux bientôt !
-Ca va, c'est mon côté gauche, répondit Pierre.
Il regarda Angus qui récupérait les armes et les fourrures des trolls et lança :
-Je te préviens, tu portes ce que tu prends !
Angus apporta une dizaine de petits couteaux de lancer et deux dagues. Il donna les couteaux à Pierre.
-Cache ça dans tes bottes, ça te sera utile lorsque tu seras désarmé. Pour le reste, je le porterai.
Il tendit une dague à sa soeur, en garda une, et roula les fourrures.
Pierre donna le signal du départ. |