Chapitre 01 : Le Départ
Indira rentra chez elle en ce dimanche matin. La veille, elle avait passé la soirée avec Frédéric, son petit ami depuis un an et demi, et elle avait dormi chez lui pour la première fois. Ce n'était bien entendu pas la première fois qu'ils partageaient le même lit, mais Indira avait toujours mis un point d'honneur à rejoindre la demeure familiale avant minuit, comme ses parents l'exigeaient.
Mais la veille au soir, elle s'était trouvée si bien dans les bras de Frédéric, qu'elle n'avait pas songé ne serait-ce qu'une seule seconde aux conséquences, et avait décidé de braver les interdits.
Cependant, à la lumièredu jour et sans les bras protecteurs de Frédéric, les conséquences paraissaient de taille. Indira gara sa voiture sur le parking en face de chez elle, et elle traversa la route. Elle franchit les grilles recouvertes de peinture pourpre, tentant de ne pas faire grincer les gonds, et elle traversa la cour de graviers blancs le plus silencieusement possible tout en tâchant d'être rapide. Atteignant la maison, Indira se plaqua contre le mur recouvert de crépit crème. Ouf ! Une étape était passée.
Indira longea le mur jusqu'à la porte du garage. Elle ouvrit la porte le moins possible, se laissant juste la place de passer. Une fois à l'intérieur du garage, elle courut entre le mur et la Mercedes de ses parents jusqu'au fond de la pièce et atteignit les escaliers. Elle les grimpa trois à trois dans l'obscurité pour éviter d'attirer l'attention. Elle entrouvrit la porte menant au couloir de l'étage principal. Elle regarda à droite : personne ; à gauche : la voie était libre. Elle rentra alors et se faufila le plus discrètement possible dans le couloir, sur la pointe des pieds.
-Indira !
La jeune fille réprima un juron bien senti alors qu'elle se retournait sur sa mère. Pour la première fois depuis 23 ans, elle se rendit compte à quel point sa mère semblait ridicule avec son peignoir descendant jusqu'aux chevilles et ses bigoudis de toutes les couleurs.
-Bonjour maman, dit la jeune femme d'une voix faussement suave.
-Epargne-moi tes politesses, Indira, fit Mathilde d'une voix séche. Et dis-moi plutôt où tu as passé la nuit !
-Nulle-part... enfin, ici. Mais ce matin, je suis partie très tôt... faire un jogging.
-Comment oses-tu te moquer ainsi de moi ? s'écria Mathilde en s'arrachant ses bigoudis de colère. Je sais très bien que tu étais chez ce... F... Fabrice ? François ? Fabien ? Non, Frédéric ! Vas-tu nier ?
-Ne te mets pas dans un tel état, dit gentiment Indira. Et puisque tu veux le savoir, oui, j'étais chez Frédéric et nous avons même dormi ensemble.
-Quoi !? s'écria Mathilde hystérique. Tu as dormi avec ce... ce...
-Calme-toi, Mathilde, dit Hubert en arrivant, sa pipe dans une main et son journal dans l'autre.
-Mais tu te rends compte, dit Mathilde. Après le mal que je me suis donné pour l'élever correctement, elle...
Puis à sa fille :
-Très bien, je te fais une fleur : tout à l'heure, je prierai pour toi à la messe. Nous prierons toutes les deux comme je t'ai appris, et Dieu daignera-t-il te pardonner et t'évitera d'aller rôtir en Enfer. Mais nous ne prierons pas pour ce Frédéric et il le regrettera !
Indira fixa sa mère.
-Je n'irai pas à la messe. Dieu, s'il existe, ne m'en voudra pas d'aimer un homme qui m'aime. C'est toi qui m'en veux, maman ! Personne d'autre.
S'interrompant à cause du cri hystérique que Mathilde venait de pousser, ses yeux verts virant au jaune tellement ils s'exorbitaient, Indira reprit :
-Et Dieu, s'il existe, n'a jamais pris soin de moi pour m'avoir abandonnée à une père telle que toi !
Mathilde hurla d'indignation, puis tout en arrachant ses bigoudits recouverts de cheveux, elle cria :
-Satan s'est emparé de notre fille, c'est impossible !
Puis tout à coup, elle se calma. Elle fixa Indira avec froideur.
-Tu comprendras, Indira, que même si je suis ta mère, je ne puis accepter le diable chez moi. Prends tes affaires et pars d'ici.
-De toute façon, même si tu ne m'avais pas mise dehors, c'est moi qui serais partie.
-Vraiment ?
-Oui, car je n'en peux plus de vivre dans cette maison où ma mère est folle et où mon père est plus que passif.
Indira prit une valise et elle y mit quelques vêtements.
-Nous t'expériderons le reste dès que tu auras trouvé où loger, dit Mathilde.
-Je pourrai passer les chercher, dit Indira. Je ne compte pas déménager à l'autre bout du monde.
-Oui, mais il serait mieux que nous limitions tout contact avec toi.
Indira prit ses affaires et elle partit. Elle passa acheter le journal à la boulangerie du coin et elle regarda les annonces. Puis elle replia rageusement le quotidien qui ne contenait rien d'intéressant et elle roula pour se changer les idées. Il était à présent 11 heures et elle ne savait que faire. Elle alla à la cabine téléphonique la plus proche et elle composa le numéro de Frédéric après avoir glissé deux pièces dans la fente prévue à cet effet.
-Allô ?
-Fred ? dit Indira. C'est moi !
-Oh, Indi ! Ca va ?
-Je suis virée de chez moi ! Ma mère me prend pour une créature du diable. Est-ce que tu pourrais m'héberger ?
-C'est que...
-Au moins quelques jours, le temps que je trouve un endroit où loger...
-Je suis désolée mais c'est impossible. Tu comprends, je...
-Oui, je comprends, le coupa Indira. Lorsqu'il s'agit de passer une nuit chez toi, ça va, mais pas la journée...
-Ce n'est pas ce que tu crois...
-Non, bien sûr.
-As-tu demandé à ton frère ?
-Lui, au moins, ne refusera pas. Salut !
Indira raccrocha et sortit la dernière pièce de son porte-monnaie. Elle téléphona à Victor, son frère de 26 ans. Il avait quitté la demeure familiale trois ans plus tôt, lorsqu'il s'était réellement cru amoureux d'Amélie, une jeune fille de sa classe, et lorsque surtout, il avait cru Amélie éprise de lui. Les deux jeunes s'étaient donc installés ensemble dans un appartement, et Victor avait découvert le monde du travail alors qu'Amélie poursuivait paisiblement ses études.
Mais la passion enflammée des deux jeunes amants s'est bien vite éteinte, tel un feu de paille, et trois mois et demi plus tard, Amélie retournait chez ses parents. Victor avait continué de travailler, et travaillait du reste toujours dans la même entreprise. Il n'était pas excessivement payé en raison de son jeune âge et de son peu d'ancienneté, mais le travail lui plaisait.
-Allô ?
-Vic ?
-Indi ? Oh, il y a si longtemps ! Maman t'a enfin autorisée à m'appeler ?
-Non, je suis dans une cabine téléphonique.
-Où es-tu ?
-Dans la banlieue nord.
-Que fais-tu aussi loin de chez toi ?
-Maman m'a mise à la porte.
-Mon Dieu, Indi ! Viens à la maison, tu ne vas tout de même pas vivre dans ta Super 5.
-Je te remercie, Vic.
-Et tu me raconteras ce qui s'est passé autour d'un repas.
-Merci beaucoup, Vic. Heureusement que tu es là.
-De rien, petite soeur. A tout à l'heure.
Indira raccrocha et courut à sa voiture. Elle y prit place et elle démarra, faisant vrombir le moteur du véhicule. Elle arriva à un carrefour et emprunta la rocade. Un quart d'heure plus tard, elle se garait tant bien que mal le long de la route. Elle n'avait jamais été bien forte pour les créneaux !
Cinq bonnes minutes plus tard, elle descendait enfin de sa voiture gardée de travers, mais ne dépassant pas de la place de parking délimitée par des lignes blanches. Elle arriva à la porte d'un grand immeuble. Elle la poussa : la porte ne bougea pas d'un millimètre. Elle vit alors sur sa droite, encastrées dans le mur, deux rangées de petits boutons : mes sonnettes. Elle chercha le nom de son frère et appuya sur le bouton correspondant.
-Oui ? résonna la voix de son frère dans l'interphone.
-Vic, c'est moi !
Un bruit strident fut émis par un minuscule haut-parleur et la voix grave de Victor reprit :
-Ca y est, c'est ouvert, Indi : 3ème étage !
Indira poussa la porte vitrée et rentra dans le hall. Il n'y avait bien sûr pas d'ascenseur et la jeune fille monta lourdement jusqu'au troisième étage. Elle se trouva face à cinq portes. Laquelle était la bonne ? se demanda Indira Une barrière de plus se plaçait sur son chemin !
Victor abaissa cette barrière en poussant la porte la plus à droite, porte qu'il avait laissée entrouverte mais qu'Indira n'avait pas vue, et il dit :
-C'est par ici, Indi !
-Je te remercie, Vic.
Indira posa sa valise et elle serra son frère dans ses bras. Le jeune homme lui rendit son étreinte et murmura :
-Petite soeur, que je suis heureux de te revoir... Tu peux rester ici aussi longtemps qu'il te plaira.
-Je te remercie Victor. Heureusement que tu es là.
-Ne me remercie pas, Indi. Il est normal de s'entraider, nous sommes frère et soeur.
-Comment papa et maman ont-ils pu avoir un fils aussi formidable que toi ! s'exclama Indira.
-De la même manière qu'ils ont eu une fille aussi fantastique, répondit Victor avec un clin d'oeil. Allons, rentrons !
Le jeune homme se baissa pour saisir la valise de sa soeur et il précéda la jeune fille chez lui.
-Comme tu peux le constater, je ne me suis pas amélioré niveau rangement. Comme je le dis toujours, c'est mon bazar organisé !
-Si tu t'y retrouves, c'est le principal.
-En revanche, je suis désolé mais je n'aurai rien de mieux à t'offrir qu'un canapé et une couverture en guise de lit.
-Ca fera l'affaire. Je ne compte pas m'éterniser ici, tu sais.
-Quoiqu'il arrive, cela me fait immensément plaisir de te voir, et tu es la bienvenue chez moi.
Un silence gêné s'inséra entre eux, puis Victor s'exclama :
-Alors, raconte-moi un peu ce qui s'est passé pour que maman te mette à la porte !
Indira raconta en quelques mots son arrivée chez elle ce matin, puis le fait qu'elle ait passé la nuit chez Frédéric, et lorsque Mathilde l'avait traitée de créature du diable.
-Maman est impossible ! s'exclama Victor en soupirant. Je suppose que papa n'est pas sorti de sa passivité !
-Tout juste. Il nous regardait, sa pipe dans une main, le journal dans l'autre, affichant cet air de cocker en espérant que maman se calmerait.
Victor réprima un juron et prépara le déjeuner pour se calmer. Indira proposa son aide, mais il refusa, prétextant qu'elle était son invitée et qu'à ce titre, elle ne devait pas quitter son fauteuil.
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A suivre !! J'espère que cette nouvelle fic va vous plaire (en fait c'est une ancienne, écrite depuis un moment, mais c'est pour vous faire patienter, le temps que je trouve la suite de "Pierre") |