-Au fait, Hilda, pourquoi les villageois vous ont-ils appelée Helda lorsque nous sommes arrivés hier soir ? demanda Angus.
-C'est un nom d'emprunt. Différent de mon vrai nom, mais pas trop afin que je sache qu'on s'adresse à moi. La pseudo fille de joie enrobée de paille s'appelle Helda. Et la guerrière espionne s'appelle Hilda.
-J'aime beaucoup Hilda, c'est un nom de princesse, fit rêveusement Misha.
-Je suis loin d'être une princesse, rit Hilda.
-C'est vrai. Vous êtes une vraie reine. Obéir à un homme que vous ne connaissez pas sur un simple message, protéger deux enfants que vous n'avez jamais vus, c'est beaucoup plus admirable que porter une longue robe et de beaux bijoux dans une cour d'admirateurs.
-Maître Ajuana a fait beaucoup pour moi.
-Attendez une minute, intervint Pierre. Ajuana... Erwan...Serait-il possible que ces deux-là ne soient qu'une seule et même personne ?
-Ont-ils trouvé un de nos espions, Monseigneur ?
Je me retournai et fis face à Goth, toujours fidèle et dévoué.
-Nous avons bien fait de faire confiance à Celui Qui Ne Sait Rien. Car en réalité, il sait tout. Il a trouvé Celle Qui Ne Montre Rien. Et je crois qu'en ce moment-même, ils se dirigent vers Celui Qui ne Dit Rien.
L'expression de mon cher Goth me fit sourire.
-En effet, j'ai peur, moi aussi. Car Celui Qui Ne Dit Rien doit mourir, qu'il parle ou pas. Espérons qu'ils arriveront à le faire parler.
-J'ai confiance en nos Princes, Monseigneur. Et également en leurs deux étoiles. Qu'ils fassent ou non parler Celui Qui Ne Dit Rien, ils arriveront à destination.
-Si seulement ils arrivaient à temps.
-Ils le feront, Monseigneur.
Je regardai Goth et j'eus l'impression de le voir pour la première fois. En effet, pour la première fois, c'était moi qui doutais. Et lui qui apaisait mes craintes. Alors que c'est moi qui suis à l'initiative de cette entreprise. Son sourire me réchauffa le coeur.
Je m'appuyai contre la poitrine solide.
-Merci Goth. Merci pour tout ce que tu as fait durant toutes ces années. Et merci pour ce que tu fais encore maintenant.
-Je vous en prie, Monseigneur, répondit Goth en s'inclinant. Je suis honnoré que vous m'ayiez choisi pour ce rôle, je tiens à en être digne.
Durant des années, pendant que je m'occupais des jumeaux, Goth s'était occupé à ma place de régler tous les détails. Je me contentais de lui envoyer un message de temps en temps afin d'ajuster quelques tirs. Cependant, à chaque fois, Goth avait ajusté lui-même notre plan, de la manière que je le souhaitais, mais avant de recevoir mes messages.
Un lien particulier m'unissait à cet homme. Et curieusement, notre séparation de 10 ans n'avait fait que renforcer ce lien.
Les quatre compagnons avançaient dans la forêt. Pierre ignorait où il les conduisait, il marchait à l'instinct, sans savoir où il allait ni pourquoi. Ils sortirent de la forêt, traversèrent une immense vallée, puis rentrèrent à nouveau dans une forêt, au pied d'une montagne.
-Devons-nous la contourner ou l'escalader ? demanda Pierre.
-Regardez !
Hilda désignait une lumière qui brillait dans la pénombre de la forêt. Les quatres compagnons avancèrent. Les deux adultes avaient une main posée sur leur épée, tandis que les jumeaux tenaient leur dague à la main, leurs jeunes visages bien sérieux.
Tout en s'approchant, ils se rendirent compte que la lumière était un feu de camp. Ils s'avancèrent encore et virent une personne assise près du feu. Elle était vêtue d'un pantalon gris de toile grossière, d'une tunique noire. La seule touche de couleur était un voile mauve, ou un foulard, enroulé autour de sa tête de manière souple et artistique. De son visage, on ne voyait que les yeux, qu'il tourna vers les nouveaux arrivants.
Misha fut impressionnée par la tristesse de ces grands yeux violets, mais l'homme dût se reprendre, et un instant plus tard, tout ce qui résidait dans ces yeux n'était que détermination.
Les magnifiques yeux expressifs sourirent, et d'un geste de la main, l'homme invita le groupe à le rejoindre auprès du feu.
-Et si c'est un piège ? demanda Hilda tout en commençant à dégaîner son épée.
-Non ! s'écria Misha.
-Ma soeur a raison, intervint Angus. Asseillons-nous et réchauffons-nous tant que nous le pouvons.
-Le feu ne risque pas d'attirer des ennemis ? s'enquit Pierre.
L'homme au foulard secoua la tête.
De près, Misha remarqua que l'homme était très maigre. Il n'avait que la peau sur les os. Et pourtant, son beau regard violet était si vivant. |