5e jour de Renop, 1237
La journée avait bien commencé, pourtant. Massacre d'hommes-arbres et de crapauds, engagement et formation de nouvelles recrues, discussions au pub,... Gorn, satisfait de son emploi du temps, venait de quitter Sarosa et se dirigeait vers Trigorn d'un pas serein.
Alors qu'il parcourait les bois qui s'étendent entre Sarosa et le Palais du Roi, Gorn croisa une jeune femme au regard épouvanté. Elle semblait fuir un grand danger. Ses vêtements étaient en partie déchirés par les feuillages des buissons qu'elle traversait en courant. Gorn la héla.
Gorn Valim - Holà, ma Dame, quelle est donc la raison de cette peur qui vous étreint ?
Jeune femme - Messire, ah, Messire... Vous semblez être un preux chevalier...
Gorn rougit jusqu'aux oreilles, donnant à son visage une teinte intéressante, qui complétait harmonieusement le jaune de son armure de cuir.
Gorn Valim - Huhu... Chevalier certes, mais preux... Vous savez, huhu, les apparences sont parfois...
Jeune femme - J'ai été attaquée par un féroce barbare, qui s'est jeté sur moi par surprise !
Gorn Valim - Quoi ! Ah, je ne laisserai pas une femme en proie aux derniers outrages sans réagir !
Jeune femme - Euh... Vous vous méprenez, il ne cherchait qu'à me tuer. Ses intentions étaient on ne peut plus claires.
Gorn Valim - Je m'en vais venger votre honneur ! Où est-il ?
Jeune femme - Mon mari - enfin, mon fiancé - est resté en arrière pour couvrir ma fuite. Mais il est jeune... inexpérimenté... Je tremble pour lui !
La jeune femme fondit en larmes. Emu, Gorn dégaina son épée Thorn.
Gorn Valim - Je sauverai votre soupirant, ma Dame ! Ou je mourrai en essayant ! Mon épée est vôtre !
Gorn partit d'un pas décidé.
...
Il entendit bientôt les bruits d'une lutte effrénée. Des cris de rage succédaient à des chocs d'armes. Bientôt, il vit deux hommes aux prises l'un avec l'autre. Un fier guerrier à la jeune barbe blonde et coiffé de fourrures et d'un casque à cornes se défendait contre un individu encapuchonné des pieds à la tête et armé d'une dague, qu'il maniait avec manifestement plus de dextérité que son adversaire sa large épée.
Le sang de Gorn ne fit qu'un tour.
Gorn Valim - Je vais te faire rendre gorge, maraud !
Il se jeta sur l'homme en noir et lui passa l'épée au travers du corps. L'homme s'effondra dans un soupir. Gorn, satisfait, se tourna vers le guerrier barbu. Lequel éclata de rire.
Guerrier à la barbe blonde - Ha ha ha ! Tu n'avais pas à intervenir, j'allais en faire de la chair à pâtée !
Gorn Valim - Je ne veux pas vous vexer, mais vous êtes blessé Messire. Là. Et là. Et là. Et là aussi.
Guerrier à la barbe blonde - Et alors ?
Gorn Valim - Voulez-vous un peu de cette herbe de guérison ? Elle a des propriétés cicatrisantes.
Guerrier à la barbe blonde - Tut tut. Impossible. Mon alignement m'empêche de consommer de l'herbe.
Gorn ouvrit les yeux ronds. C'est alors qu'il s'aperçut de son erreur. L'homme qu'il avait tué n'était autre que le fiancé de la damoiselle en détresse. Il avait sauvé son agresseur. Il se ressaisit et brandit son épée en direction du barbare.
Gorn Valim - Qui êtes-vous, vil chenapan ?
Guerrier à la barbe blonde - On m'appelle Pangalorr le Sanguinaire. Et devine quoi : tu vas mourir, chevalier jaune !
YATAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHH !
Gorn Valim - TAÏAUUUUUUUUUUUUUUT !!!
Les deux hommes se précipitèrent l'un vers l'autre. Le choc fut rude et les jeta à terre.
Pangalorr le Sanguinaire - Lagh soit maudit !
Hébétés, ils se remirent rapidement d'aplomb. Campés sur leurs jambes, ils engageaient tout le poids de leur corps dans les moulinets qu'ils exécutaient. Le cliquetis de leurs épées qui s'entrechoquaient se répercutait à des lieux à la ronde. Oiseaux et animaux sauvages fuyaient le lieu de la bataille qui opposait les deux farouches combattants. L'herbe était piétinée par les pas lourds des fiers guerriers. Une odeur de sueur envahit l'air.
La passe d'armes durait depuis un long moment quand enfin, épuisés, sans une égratignure, les combattants s'arrêtèrent, d'un commun accord.
Pangalorr le Sanguinaire - Je dois reconnaître... Huuuuuu... que tu te défends bien... Huuuuuuuu... Huuuuuu... Combien ?
Gorn Valim - Euh... Huuuuuuu... Vingt-sept.
Pangalorr le Sanguinaire - Huuuuu... Ah je comprends mieux... Quatorze, moi.
Gorn Valim - C'est donc la Magie de l'Equilibre qui m'empêchait de vous toucher !
Pangalorr le Sanguinaire - Mouais. Moi je dirais plutôt une sacrée incompétence.
Gorn Valim - Ne profitez pas de la situation pour m'insulter, fieffé coquin ! Ou je vous défie en arène !
Pangalorr le Sanguinaire - J'ai une meilleure idée. Bouge pas.
Pangalorr, en quelques enjambées, quitta la clairière.
Gorn Valim - Hé ! Où allez-vous, gredin ? J'ai mon honneur à laver ! Seriez-vous couard ?
Pas de réponse. Gorn fronça les sourcils.
Gorn Valim - C'est qu'il a fui cet abruti !
Il se lança à sa suite, mais force lui fut de constater qu'il n'y avait plus aucune trace de Pangalorr. Celui-ci semblait avoir tout bonnement disparu sans laisser de trace !
Gorn Valim - Par quelle sorcellerie ?...
Dépité, il revint à la clairière.
Guerrier à la barbe rousse - Ha, te voilà ! Je te cherchais partout !
Gorn eut un mouvement de recul. Au milieu de la clairière se dressait un farouche guerrier. Mais ce n'était pas Pangalorr, bien qu'il lui ressemblât étrangement. Celui-ci arborait une barbe rousse et brandissait une impressionnante hache d'armes à double tranchant.
Gorn Valim - Euh... On se connaît ?
Guerrier à la barbe rousse - Oui et non. Je suis Kalistorr le Sanguinaire.
Gorn Valim - Ah ? Le frère de...
Kalistorr le Sanguinaire - Si tu veux. Son autre "moi" en quelque sorte. Sauf que moi je suis level 35.
YATAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHH !!!
Et il se précipita vers Gorn, la hache par-dessus la tête.
Gorn Valim - Attendez, on peut peut-être trouver un terrain d'entente !
Kalistorr lui fit savoir ce qu'il pensait de cette idée.
...
Gorn se réveilla à l'infirmerie de Sarosa. Sa tête l'élançait encore.
Infirmière - Ah, il se réveille enfin. Bon allez debout, y en a d'autres qui attendent votre lit ! Allez hop on se remue ! On n'est pas tout seul !
Gorn se leva de mauvaise grâce, récupéra son équipement et sortit. Il se sentait nauséeux, comme s'il avait été dépossédé d'une partie de lui-même.
Il se rendit au pub pour noyer son chagrin. Comme d'habitude à cette heure tardive, l'établissement était bondé. La boisson pourpre coulait à flots, des bagarres éclataient un peu partout, des clients ivres lançaient des Shaamah bleus sur le poêle, des comploteurs complotaient tout en surveillant du coin de l'oeil des soldats royaux qui faisaient mine de ne pas les voir. Muni de sa chope, Gorn se fraya un chemin parmi la foule en évitant les divers projectiles que les plus éméchés se lançaient les uns sur les autres. C'est alors qu'il entendit des voix familières.
Voix familière - À Yatah !
Voix familière - À Yatah !
Voix familières - OUAIIIIIIIIIS !
*kling*
Gorn aperçut, assis dans un coin, Pangalorr et Kalistorr, qui buvaient à grandes gorgées. Il s'assit sans cérémonie à leur table.
Gorn Valim - Vous me devez réparation vous deux !
Pangalorr et Kalistorr le regardaient, fronçant les sourcils.
Kalistorr le Sanguinaire - On se connaît ?
Gorn Valim - Vous m'avez tué tout à l'heure !
Pangalorr le Sanguinaire - Ah bon ? M'en rappelle plus. Enfin si tu le dis... Tu m'as l'air bien vivant, pourtant !
Gorn Valim - Rhôô ne jouez pas sur les mots ! Je vous défie en arène ! Tous les deux !
Pangalorr le Sanguinaire - Très peu pour moi, je tiens à ma réputation.
Kalistorr le Sanguinaire - Moi je m'en fous j'en ai pas. Si ça t'amuse...
Gorn Valim - Pourquoi avez-vous agressé cette jeune femme en premier lieu ?
Pangalorr le Sanguinaire - Qui ?
Gorn Valim - Vous faites vraiment peu de cas des vies humaines, on dirait ! Qui êtes-vous donc ?
Kalistorr le Sanguinaire - Nous vivons pour tuer nos semblables. C'est ainsi. Ça nous amuse.
Gorn Valim - Ça vous amuse d'empêcher les gens de se rendre où ils le désirent, c'est ça ? Vous vous sentez plus forts ? Plus malins ? Ça assouvit votre soif de pouvoir ?
Kalistorr le Sanguinaire - Allons, allons, calme-toi, on n'est pas méchants...
Gorn Valim - Enfin, mais... Vous TUEZ des gens ! Pour votre seul plaisir ! N'avez-vous aucune conscience ?
Kalistorr le Sanguinaire - Bworf, que ce soit par nous ou par les monstres, peu importe...
Gorn Valim - Mais non ! Les monstres, c'est dans leur nature ! Vous qui vous prenez pour de fiers guerriers, ne pouvez-vous lutter contre ces monstres, au lieu de pourrir la vie des aventuriers ?
Kalistorr le Sanguinaire - Ouais mais c'est ennuyeux de taper sur des monstres.
Pangalorr le Sanguinaire - Alors que c'est si drôle de voir les aventuriers fuir, insulter ou se plaindre aux Ad'minh !
Kalistorr le Sanguinaire - Et puis, tu constateras qu'en ce moment même nous ne tuons personne...
Gorn Valim - C'est ça, moquez-vous de moi, vous savez comme moi que c'est impossible en ville.
Pangalorr le Sanguinaire - Oui, huhu... C'est dommage. D'ailleurs on a commencé une pétition pour pouvoir s'entretuer en ville, tu veux la signer ?
Kalistorr le Sanguinaire - Pour l'heure, nous nous reposons. Ensuite, nous allons repartir pour tuer d'autres gens. Ha haaaa ! À Yatah !
Pangalorr le Sanguinaire - À Yatah !
Pangalorr et Kalistorr - OUAIIIIIIIIIIIS !
*kling*
Gorn Valim - Euh... C'est qui Yatah ?
Pangalorr le Sanguinaire - C'est notre cri de guerre : YATAAAAAAH !
Gorn Valim - Je vois...
Kalistorr le Sanguinaire - C'est le nom de Narthe dans notre langue natale.
Gorn Valim - Ah ? Je croyais que c'était Taïaut en verlan.
Les deux guerriers barbus se remirent à boire.
Gorn Valim - Et l'expérience ? Avez-vous pensé à l'expérience ?
Kalistorr le Sanguinaire - C'est vrai, on n'en gagne pas beaucoup, alors qu'on se bat bien pourtant. Enfin je trouve.
Gorn Valim - Je parle de vos victimes, vikings égocentriques ! Chaque fois que vous tuez quelqu'un, il perd un peu de sa précieuse expérience !
Pangalorr le Sanguinaire - Ah bon ? C'est étrange, non ?
...
Kalistorr le Sanguinaire - En vérité on s'en fout un peu.
Pangalorr le Sanguinaire - Oui ! On n'est pas responsables des lois physiques tordues de Vesperae.
Kalistorr le Sanguinaire - Remarque c'est intéressant, c'est peut-être pour ça que nos victimes nous insultent, ha ha ha !
Pangalorr le Sanguinaire - Ha ha ha !
Kalistorr le Sanguinaire - À Yatah !
Pangalorr le Sanguinaire - À Yatah !
Pangalorr et Kalistorr - OUAIIIIIIIIIS !
*kling*
*glou glou glou glou*
Gorn se découragea en regardant avec des yeux ronds les deux énergumènes. Non, décidément, il ne comprendra jamais les gens comme eux. Il ne comprendra jamais leur manière de vivre.
Pangalorr s'arrêta de boire. Il avait l'air de quelqu'un ayant brusquement une illumination.
Pangalorr le Sanguinaire - Mmmm... Il y a peut-être une raison.
Kalistorr le Sanguinaire - Qu'est-ce tu dis ?
Pangalorr le Sanguinaire - Pourquoi nous tuons les gens...
Gorn Valim - Ah ? Z'avez intérêt à avoir un solide argument !
Pangalorr le Sanguinaire - *fièrement* Moi, c'est pour avoir mon nom écrit en rouge, en lettres de sang, parce que j'égorge tous ceux qui croisent ma route ! MOUHAHAHAHHAHA
Kalistorr le Sanguinaire - *fièrement* Et moi, c'est pour avoir mon nom écrit en noir, en lettres de cendres, parce que je crame tous ceux qui se dressent devant moi ! OUHÉHÉHÉHÉ
Gorn les regardait, bouche ouverte. Sans mot dire, il avala d'un trait sa boisson pourpre et partit prendre une aspirine avant de se coucher. |