Ce fut une main glacée posée sur son front qui le fit sortir de la torpeur dans laquelle il était plongé. Il ouvrit les yeux et vit un visage livide penché au dessus de lui.
Sheena le dévisageait avec inquiétude, ses cheveux détachés lui tombant un peu devant les yeux.
-Ca va ? Tu n’as rien ? lui demanda-t-elle.
Zélos secoua lentement la tête en signe de dénégation et se releva. La tête lui tournait un peu. L’averse orageuse s’était arrêtée, laissant ça et là de grandes flaques d’eau, vestiges de son passage. Déjà les nuages noirs et lourds se dispersaient, chassés par un magnifique soleil rouge-orange qui frôlait la cime des toits. Les ombres des bâtisses s’étiraient sur le sol et une agréable fraîcheur avait succédé à la chaleur torride de la journée.
Depuis leur mésaventure dans les égouts, une question trottait dans la tête de Zélos mais il n’osait pas la poser.
-Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Sheena mal à l’aise devant le regard de l’élu qui la fixait, les yeux perdus dans le vague.
-Hein ? Quoi ?...euh non …rien, répondit celui-ci en détournant la tête.
-Si tu le dis… mais je te trouve un peu étrange là…, fit Sheena en haussant les épaules, ce qui la fit grimacer de douleur et la plia en deux.
Zélos s’approcha d’elle et sans autre forme de procès la souleva, et la portant sur son dos, entreprit d’entamer le chemin du retour. Sheena aurait bien crié sa souffrance mais sa fierté l’en empêcha et elle se contenta de serrer les dents et les poings tellement forts que ses jointures en devinrent blanches.
-Hé ! Tu vas déchirer ma veste, lança Zélos sur un ton de boutade.
-Bah ça ne sera pas une grosse perte, tu t’en rachèteras une autre, lui répondit-elle la tête nichée au creux de son épaule en esquissant un faible petit sourire.
Le silence s’installa entre eux. Zélos sentait le souffle irrégulier de Sheena dans son cou.
-Sheena ? demanda-t-il au bout de quelques minutes
-Mmmmh ?
Zélos semblait chercher ses mots, cela ne lui ressemblait guère.
-Quoi ? demanda-t-elle avec plus d’insistance.
-Pourquoi as tu fait ça ?
-Fait quoi ?
-Pourquoi t’es tu interposé entre Kuchinawa et moi tout à l’heure ? Pourquoi m’as-tu protégé de son coup ? Je croyais que je t’insupportais…demanda-t-il dans un souffle, osant enfin pauser la question qui le taraudait depuis tout à l’heure.
Il était bien content de ne pouvoir voir la jeune femme en face, c’était beaucoup plus facile ainsi, pensa-t-il. Il sentit son souffle s’accélérer et ses bras passés autour de son coup resserrer leur emprise.
Sheena resta silencieuse quelques minutes encore avant de lui répondre.
-Et bien à vrai dire, je n’en sais trop rien. J’avoue que je n’ai pas trop réfléchi…c’est idiot hein ? fit-elle avec un petit rire nerveux.
Puis reprenant, beaucoup plus sérieuse cette fois :
-Et puis c’est ce que font les membres d’un clan, non ? Ils se protègent les uns les autres… [1]
Zélos ne fit aucun commentaire, perdu dans ses pensées.
-C’est vrai que tu peux être pénible parfois…mais je dois reconnaître que tu as de bons moments. C’est pas souvent… mais tu en as [2], rajouta-t-elle dans un murmure, audible pour lui seul. Je te remercie d’être venu à mon secours tout à l’heure…et aussi pour la dernière fois…
-C’est ce que font les membres d’un clan, Sheena…répondit-il doucement.
-Hé ! Copieur, c’était mon expression ça ! fit-elle faussement en colère et en lui donnant une petite tape sur la tête.
-Aie ! Espèce de vieille mégère ! fit Zélos pour la forme.
Ils ne prononcèrent plus un mot jusqu'à ce que l’auberge se dessine dans la pénombre qui commençait à tomber. Le jour mourant laissait la place à la nuit naissante. Sheena frissonna et se serra d’avantage contre son porteur. Tout deux se délectaient du calme régnant autour d’eux, ni l’un ni l’autre n’osant rompre le silence.
Un cri strident retentit alors qu’ils s’avançaient vers les lumières de l’auberge, inondant les pavés de la rue de leurs douces clartés.
-Maître Zélos ! s’exclama Diane.
Une demi-seconde plus tard, Zélos et Sheena se retrouvèrent entourés du fan club de l’Elu au grand complet, trépignant et pépiant à qui mieux mieux. Elles assaillirent littéralement le jeune homme. Celui-ci posa Sheena à terre qui se fit très vite éjecter du cercle
-Oh, par la déesse Martel !
-Vous allez bien ?
-Vous n’êtes pas blessé ?
-Nous avons eu si peur pour vous !
-Quel homme !
-Quel courage !
-etc. …
Zélos n’arrivait pas à en placer une et se fit entraîner bien malgré lui vers l’intérieur.
-Oh ! Mais c’est affreux ! Vous êtes blessé ! fit l’une d’entre elle avisant les larges tâches sombres de sang coagulé sur son dos et son torse.
Une affreuse cacophonie de cris perçants s’en suivit.
-Rassurez vous mesdames ! fit Zélos en élevant la voix afin de couvrir le vacarme. Ce ne sont que des tâches, je ne suis pas blessé.
Avisant Génis, Préséa, Régal et Colette qui avaient accourus au bruit des midinettes, il articula silencieusement « Sheena » en désignant la porte de l’hôtel restée grande ouverte. Puis il reporta son attention sur son fan club qui l’entourait et qui semblait vouloir lui enlever ses vêtements pour être sur que leur chouchou était indemne.
La jeune invocatrice apparu alors sur le pas de la porte, blanche et exténuée. Mettre un pied devant l’autre pour avancer lui coûtait, ravivant sa blessure au ventre. Colette, Génis et Préséa se précipitèrent pour la soutenir pendant que Régal faisait de la place sur la table la plus proche.
Elle étouffa un cri lorsque Génis, sous la directive de Régal, enleva sa tunique et défit le bandage de fortune, collés à la plaie par du sang séché, laissant apparaître les chairs à vif. Après que le petit magicien eut nettoyé la plaie avec de l’eau claire, Régal utilisa son sort de « grand guérisseur ». Une douce chaleur se répandit dans le corps de Sheena lui redonnant des forces et refermant sa blessure à l’abdomen et à l’épaule gauche à vu d’œil. Colette revint avec du linge propre fourni par la patronne et, aidée de Génis, entreprit de refaire ses bandages. Par-dessus son épaule, Sheena observait Zélos. Il était redevenu le parfait coq, au milieu de sa basse-cour. Quelle différence par rapport à tout à l’heure songea-t-elle avec un petit pincement au cœur…
Se retournant vers ses compagnons, elle fit, à leur demande, le récit plus ou moins détaillé de ce qui s’était passé.
Durant tout le temps où les autres prodiguaient des soins à Sheena, Zélos ne l’avait pas quittée des yeux. Il repensait à ce qu’elle lui avait dit lorsqu’ils étaient seuls. « Membres d’un clan »… ils le considéraient donc comme un membre à part entière du groupe, pour le moins hétéroclite, qu’ils formaient…mais avait-il le droit de prétendre à un tel statut ? Qu’avait-il fait pour eux jusqu’à présent ? Ne les suivait-il pas pour servir, quelque part, son propre intérêt ? Pour sa part il était bien incapable d’éprouver une telle abnégation pour les autres comme celle dont faisait preuve Colette au quotidien, Génis, Lloyd, le Professeur, Préséa, Régal et Sheena… Génis et Raine, sa sœur, étaient des demi-elfes, honnis de tous de par leur sang mélangé. Mais ils continuaient d’avancer malgré les injures et les mises à l’écart, donnant aux autres sans rien attendre en retour. Préséa côtoyait Régal, le « meurtrier » de sa jeune sœur Alicia et lui faisait confiance malgré tout. Celui-ci, torturé de remords s’impliquait corps et âme dans leur mission afin de racheter ses fautes. Lloyd avait pour principe de donner sa chance à tout le monde et comme Colette avait tendance à faire confiance aux gens. Sans oublier Sheena… Sheena qui avait risqué sa vie pour lui tout à l’heure malgré les choses désobligeantes qu’il avait pu lui dire. Il n’était pas vraiment fier de sa conduite d’ailleurs.
Toutes ses personnes offraient tant aux autres. Il les respectait pour cela Et lui, qu’offrait-il ? De l’égoïsme, de la suffisance ,du désintéressement… On ne pouvait pas vraiment qualifier ça de « valeur morale », loin de là. Sa condition d’Elu du Mana lui pesait. C’était une trop lourde responsabilité. Il n’avait pas vraiment sa place parmi ces gens qui avaient le sens du devoir et du sacrifice, lui qui avait toujours su tirer parti de toutes les situations.
-Maître Zélos ?
Zélos sursauta, perdu dans ses pensées, il n’avait pas fait attention que quelqu’un l’appelait. Diane le fixait de son joli minois inquiet.
-Vous n’avez pas l’air d’aller très bien, si je puis me permettre…Vous êtes si pâle… Vous devriez aller vous reposer après tout les efforts que vous avez fournis… Heureusement que ces gens là ont la chance de vous avoir, dit-elle en montrant le petit groupe à l’écart, d’un air désapprobateur.
Zélos opina, sans grande conviction pourtant.
-Si ça ne vous fait rien, je crois que je vais monter me coucher, déclara Sheena.
Elle se leva avec difficulté. Tout tournait autour d’elle.
-Sheena ? entendit-elle au loin.
Elle essaya de dissimuler son malaise, en vain. Le froid s’insinuait insidieusement dans ses membres et elle avait des difficultés à respirer. Elle avait l’impression d’étouffer et porta une main à sa gorge. Elle fit quelques pas mal assurés, tentant de comprendre ce que ses amis lui disaient, mais même les sons lui parvenaient déformés. Après le froid, elle sentit une chaleur épouvantable lui parcourir le corps. Elle recula encore, chancelante, vacilla, puis ce fut le noir total.
-Sheena !!!s’exclama Colette affolée.
Sheena venait de s’effondrer sur le sol, face contre terre, avec un bruit sourd.
Tous se précipitèrent auprès d’elle, Zélos le premier, laissant ses louloutes en plan.
Il retourna Sheena sur le dos. Celle-ci avait les joues en feu et le front brûlant mais elle était pourtant d’une pâleur mortelle. Elle haletait, inconsciente, ses poumons recherchant désespérément de l’air et poussait de temps à autre de petits gémissements.
-Mais qu’est ce qui lui arrive ?demanda Colette, morte d’inquiétude. Tu l’as pourtant soignée Régal…
Celui-ci hocha la tête, aussi perplexe qu’elle. Ils avaient tous pu constater que les blessures avaient été guéries par « grand guérisseur »…Alors qu’est ce qui clochait ?
« Sheena, Sheena, bon sang qu’est ce qui t’arrives ? Tes blessures ont été soignées… » pensa Zélos en posant une main sur son ventre. «Tes blessures physiques en tout cas…et… et si il n’y avait pas que ça …et si… ». Mû par une inspiration soudaine, il arracha le vêtement de Sheena et défit prestement son bandage, sous les regards indignés de ses compagnons.
-Mais qu’est ce qui te prend ?gronda Régal en arrêtant son geste.
Zélos dégagea son poignet de son emprise avec impatience :
-Je veux vérifier quelque chose. Tu ne me fais donc pas confiance ?
Pendant quelques secondes qui avaient l’air d’une éternité, les deux hommes s’affrontèrent du regard. Le corps de Sheena était à présent agité de spasmes qui la faisaient trembler, dus à la fièvre sans doute.
Finalement, Régal baissa les yeux et Zélos reporta son attention sur Sheena, dont le visage était exsangue et la respiration saccadée. Avec précaution il enleva les dernières bandes de tissu. A l’endroit de la blessure, sa peau était marbrée de bleu, dessinant en filigranes le réseau sanguin. Ce motif s’étendait sur une zone assez restreinte pour le moment. La même chose se produisait au niveau de son épaule gauche.
-Du poison…, souffla-t-il. Ses armes étaient empoisonnées… J’aurais dû m’en douter…Voilà bien la marque du Pontife !
Sa voix tremblait d’une colère non dissimulée et frappa violemment le sol afin d’évacuer sa fureur. Génis et Régal serrèrent les poings, Préséa se rembrunît et Colette horrifiée porta ses mains devant sa bouche. A l’origine, c’était à elle que ce traitement était destiné !
Un petit groupe de badauds, formé entre autres par les membres du fan club de Zélos, vint s’attrouper autour d’eux. Des murmures se répandaient dans les rangs et les commérages allaient bon train.
Zélos prit Sheena dans ses bras, comme si elle avait été plus fragile que du verre. Celle-ci émit une faible plainte lorsqu’il la souleva. Il l’emmena à l’étage supérieur, suivit de prés par Régal, Colette, Génis et Préséa, sous le regard noir des louloutes de l’Elu. Elles s’empressèrent d’ailleurs de délier leur langue de vipère…Non mais qu’est ce que tout cela signifiait ? s’indignaient-elles. Comme Maître Zélos avait-il pu leur faire un affront pareil en les ignorant de la sorte ? Cette petite gourde de Mizuho ne perdait rien pour attendre ! Elles lui apprendraient à se faire remarquer de la sorte, non mais !
Zélos déposa avec douceur Sheena sur le lit. Elle haletait et gémissait de plus en plus fort. Si seulement il leur restait une fiole de Panacée… Cette étrange mixture était capable de guérir toutes les altérations physiques dont le poison entre autre. Son avantage majeur résidait dans le fait qu’elle pouvait contrer n’importe quel poison, quelque soit la dose et quelque soit sa composition. Seulement voilà, ils ne disposaient malheureusement plus d’un tel produit et le blocus de la ville commandité par le Pontife, empêchait les marchands de renouveler correctement leurs stocks. Ils jouaient vraiment de malchance…
Après quelques instants de flottements, Colette s’en fût chercher de l’eau fraîche ainsi que du tissu propre afin de faire baisser la fièvre de la jeune femme, et Génis ramena la patronne de l’hôtel. Il lui demanda si il ne lui restait pas de fiole de panacée ou si elle connaissait un autre remède.
-Hélas, soupira-t-elle, j’ai utilisé ma dernière bouteille il y a quinze jour à peine car ma petite fille s’était faite mordre par un serpent venimeux. Et je ne connais pas d’autres médicaments ayant le même effet…Je suis vraiment désolée
Elle leur proposa cependant des habits propres pour Sheena dont les vêtements étaient à moitié déchirés et puaient encore les égouts. Les garçons sortirent de la pièce tandis que les filles la changeaient. Les tâches sur sa peau blafarde avaient pris de l’ampleur, preuve que le poison accomplissait son office.
Puis, la tenancière les laissa seuls, retournant à ses occupations.
Allongée sur le lit, la respiration bruyante et irrégulière, Sheena suait à grosses gouttes.
-Bon que fait-on maintenant ?demanda Génis.
-Il ne faut rien changer à notre plan de départ, dit Zélos, le visage fermé. C’est ce que voudrait le Pontife et nous n’allons pas lui donner cette satisfaction.
-Mais …, commença Colette.
-Non Colette, intervient Régal. Zélos à raison. Si tu restes le Pontife aura ce qu’il veut et elle se sera faite blesser pour rien.
-Et puis de toute façon, reprit Zélos la mine sombre, ni moi ni Régal ne sommes capable de la soigner avec nos faibles pouvoirs de guérison. Seul Raine en possède la force. Partez avec Colette comme prévu, nous n’avons guère de marge de manoeuvre … il faut que vous nous envoyez Raine.
-Faut-il vraiment qu’on se sépare ? Ne peut-on pas partir tous ensemble ? demanda Colette, implorante, regardant alternativement Zélos, Régal, Génis et Préséa.
Aucun d’entre eux ne répondit. Le lourd silence qui s’installa fût seulement troublé par le souffle sifflant et saccadé de Sheena qui se tournait et se retournait sur le lit, en proie à quelques démons intérieurs. Zélos se précipita vers elle afin de remettre sur son front la compresse qui venait de glisser à terre. Elle était bouillante et il ré imbiba le linge d’eau fraîche avant de lui redéposer sur la tête.
-Tiens ! s’exclama Préséa. Notre messager bizarre est revenu.
Le drôle d’oiseau qui leur avait apporté la missive de Lloyd le matin même, vint se poser sur la tête de Génis. Son plumage gris était plus terne et dans ses yeux brillait une étrange lueur. C’était comme si il s’associait à leur inquiétude…Mais non, ça n’était pas possible voyons…leur imagination leur jouait décidément de drôles de tours…
-Puisqu’il nous faut partir, profitons de la nuit. Le plus tôt sera le mieux, non ?!! proposa Génis.
-Je suis d’accord, dit Préséa. Plus vite vous partirez, plus vite vous serez se retour avec Raine…
Régal acquiesça. Zélos resta silencieux et Colette n’était pas bien d’accord avec ses compagnons. Hors de question pour elle d’abandonner Sheena ici…La décision du départ fût de toute façon prise sans son avis, ils la connaissaient trop bien pour savoir qu’elle aurait préféré rester. L’oiseau émis un petit roucoulement sonore en guise d’assentiment ce qui les fit sourire un peu.
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Infirmière Régal :
R (voix off) : « Bienvenue dans notre CENTRE POKéMON ! »
« Nous soignons les POKéMON ! »
Z choisit l’option « SOIN »
R : « Ok ! Confiez nous vos POKéMON !
TU-TU-TULITU !
R : « Merci ! Vos POKéMON ont la super pêche !
« A bientôt ! »
Z : POKéBALL, GO ! En avant Sheena !
N: euh, c’est un nouveaux Pokémon là? C’est la saison 118, c’est ça ?
[1] Bon ok, là ça fait plagiat de l’Age de Glace mais je trouve cette phrase tellement touchante que je n’ai pas pu m’empêcher de la remettre. Désolée pour le plagiat^^
[2] Et allez ! Deuxième plagiat en moins de deux lignes…je fais fort là. Ce coup ci c’est StarWars épisode V… vous remarquerez l’évolution des références loooooooool.
Soyez indulgents hein ? Je devrais bosser là mais un horrible mal de crâne m’en empêche.
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