Un balcon, le vent frais d'un soir d'hiver, un doux parfum de roses et de lavandes fraîches et un air de piano, flottent dans l'air.
Dans la solitude de cette fraîche nuit, une jeune fille est accoudée au balcon et écoute le piano. Un inconnu en joue. Le vent calme est comme apaisé par la douce musique. Il chante dans les arbres et mumure à la jeune fille les secrets de la nuit. Au loin, dans l'obsucurité des rues, une calèche ou une diligence passe. On entend le bruit de ses grandes roues en bois et le claquement sec des sabots des chevaux sur le pavé gris de la rue en contre bas. Demain, le soleil recouvrira la baie de Naples...
La lumière or que diffuse la lampe à huile dans la chambre trace d'un rayon puissant une "entaille" de même couleur sur le balcon recouvert de nacre blanc. Les rideaux bleu-ciel volent, tourbillonent, derrière la porte au chassis vitré. Le vent nocturne est froid, voire glacé. La jeune fille ferme ses yeux dorés qui scintillent dans la nuit comme ceux d'un chat. Ses cheveux bouclés, marrons aux reflets châtains errent sur ses épaules recouvertes d'un tissu blanc, léger. Ils se balancent de droite à gauche, au rythme du vent et des vagues déferlantes au loin, sur la côte italienne...
Une voix d'homme, dure retentit. Laissant là sa rêverie, Maria, vêtue d'une longue robe de nuit blanche, se détâche lentement du balcon. Ses yeux dorés, qui redeviendront marron, sont encore troublés par le rêve, la pensée qu'elle vient de revenir de force par la voix de son père. Ils fixent, perdus, le ciel d'encre, où des milliers et des milliers d'étoiles scintillent, et la lune pleine et ronde vient se perdre dans les deux soleils que sont devenus ses yeux.
La voix retentit de nouveau. Maria referme vite le chassis vitré et court vers la porte en bois de sa chambre. Elle l'ouvre, traverse le couloir à grand pas et descends le plus vite qu'elle peut l'escalier. Elle arrive à moitié essouflée au salon. Celui-ci, est composé de deux sofas vert foncé, tous les meubles en bois qui y sont admirablement bien disposé ont été finement travaillé. Des vases en porcelaines, des assiettes de faïences etc... trônent un peu partout dans la pièce. La cheminée est en marbre blanc veinée de vert foncé, deux personnes y sont installés. Une femme mature et un homme bien portant son assis, à côté dans un des deux sofas. Une discussion s'entame sur un sujet bien précis: le grand frère de Maria dont le bateau vient de faire naufrage, tout proche des côtes du pays. Maria écoute à peine, elle ne veut pas admettre le fait qu'elle ne le reverra plus, comme d'habitude, quand le ton se hausse elle ne réagit même pas. On la renvoie d'où elle venait. La jeune fille, repart, mélancolique, nostalgique et triste. Elle refait le même trajet du départ seulement en sens inverse et prenant tout son temps. Elle laisse ses mains errer sur le bois poli tout en remontant tranquillement l'escalier. Elle arrive à sa chambre. Elle regarde le lit à baldaquin, le petit secrétaire, et la lampe qui s'y trouve dessus. Elle s'avance vers cette dernière, soulève le verre qui empêche la flamme de s'éteindre. Celle-ci vacille et d'un souffle s'éteint. Les rayons de la lune traversent avec aisance le châssis vitré et les rideaux de lin. La jeune fille, se laisse tomber sur son lit, se range sous ses draps blancs et sa couette bleu, attrape un coussin et le serre très fort contre son coeur. De grosses larmes roulent sur ces joues de porcelaine et viennent mourir dans le coussin. Pas un bruit, ne vient déranger le calme de la nuit, on ne l'entends même pas pleurer. Elle se redresse vivement, essuie d'un revers de manche ses yeux mouillés, et s'allonge la tête posée sur son oreiller de plume, le coeur serré par le chagrin, et s'endort.
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