- Niji ! Réveille-toi !
Elle ouvrit ses yeux. Une armoire, un bureau, une fenêtre, c’était ce qu’elle voyait. Plus de supermarché, ni de baguette, ni d’européen. Elle était dégoûtée d’avoir perdu son amoureux fictif.
- Niji ! Dépêche toi !
Niji fut surprise en constatant que sa porte parlait. Puis, après un long temps de réaction, elle comprit que c’était sa mère, qui était derrière sa porte close. Elle se redressa péniblement et prit quelques instants pour remettre les idées en place. Elle se tourna vers son radio-réveil. « 8 :02 Wed ». Elle écarquilla ses yeux.
- Aaaaaaaaaaaaaaah !
Elle sortit de son lit s’habilla en vitesse et prépara son sac. Dernier coup d’œil à sa montre, 8h04. Elle ouvrit brutalement sa porte et descendit les escaliers.
- J’y vais maman.
- Attend ! Ton bentô !
Elle se précipita vers la sortie et claqua la porte devant elle. Sa mère était désespérée, comme tous les jours. Deux secondes plus tard, la porte s’ouvrit de la même manière qu’elle avait été fermée. Niji revint, prit son bentô et sortit en courant une nouvelle fois. Elle courut du plus vite qu’elle pouvait en direction du lycée. Une fois sur place, elle rattrapa les retardataires, arrangea sa tenue et entra calmement dans l’établissement. Elle entra en douceur dans la salle de cours, s’installa à son bureau et soupira.
« J’ai encore faille arriver en retard !» Pensa-t-elle.
- Nijiiiiiii !!
Niji sursauta. En face d’elle Izumi, son amie d’enfance.
- Alors, toujours en train de rêvasser ? Reprocha Izumi
- Et toi, toujours en forme ?
Le professeur entra dans la salle.
- Tiens, voilà ton père. Remarqua Izumi
- Asseyez-vous ! Réclama M. Takahumi
Il n’était pas le père de Niji, mais plutôt son futur beau-père. Depuis le décès de son mari, il y avait huit ans, la mère de Niji ne cessa de se marier. C’était sa manière d’éviter la solitude, pourtant aucun homme n’était aussi parfait que son mari et ses histoires se finissaient toujours mal. Avec Takahumi, c’était différent. Niji le sentait bien, et cette perspective lui déplaisait. Il était grand, mince, ses cheveux parfaitement plaqués avec une moustache qu’il ne lui allait pas et il portait des lunettes toujours de travers. Il n’était pas très attirant, cependant sa mère lui répondait qu’il ressemblait à son père. Ses ex, elle les décrivait avec des adjectifs parfois grotesque, mais avec lui, il était comme son père. Niji en était convaincue, l’amour rend aveugle.
Le cours se passa comme à son habitude, ennuyeux à mourir. Les interventions de certains imbéciles, notamment d’Izumi, rendaient le cours légèrement plus attractif. Takahumi-sensei était très tolérant. Selon lui, pour mieux apprendre et comprendre, il fallait être détendu.
13h sonnait enfin. Niji et Izumi montèrent au toit du lycée, prendre leur déjeuner. À cette période de l’année, il faisait bon d’être dehors. Elles se mirent à discuter de tout et de n’importe quoi. Niji lui raconta son rêve tandis qu’Izumi parla de son petit copain, Kyoichi. Il était le meilleur ami de Niji et lorsqu’elle avait fait les présentations, il y avait plus d’un an, ils ne s’étaient plus jamais quittés. D’ailleurs quelques minutes plus tard le concerné monta aussi sur le toit.
- Kyoichiiiii-kun ! Hurla Izumi avant de se jeter dans ses bras.
- Izumi-chan, tu es si belle.
Les voilà en train de s’embrasser. Ce tableau écœura Niji. Elle ne put s’empêcher de descendre du toit, bentô à la main. Ne sachant pas quoi faire, elle décida d’aller vers le tableau des associations sportives. Tous les sports étaient complets, sauf deux. Niji regarda plus attentivement. « Athlétisme ». Elle n’était pas très intéressée à l’idée de courir en rond, alors elle abandonna. Dernier choix, « kyudô ». D’après ce qu’elle lisait, c’était un nouveau sport dans le lycée. Littéralement « la voie de l’arc », le kyudô était un art martial basé sur le tir à l’arc. Pourquoi pas. Elle n’avait rien à faire et il fallait absolument lui changer les idées. La scène du baiser de ses deux amis revint dans sa tête. Elle secoua nerveusement la tête et grimaça. Elle regretta qu’il n’y eu de place dans les sports de combats. Elle repensa à l’année précédente. Elle était inscrite dans l’association de Kendo. Assez redoutable, personne n’avait osé l’affronter, et à ce jour, cette réputation demeurait. Ainsi, elle n’avait pas d’ennuie, mais elle faisait fuir les garçons. Disons qu’une fille qui se battait comme un garçon, n’était pas très attirante.
Le dojo était flambant neuf. A l’entrée, une pancarte inscrite « Kyûdôjô » était accrochée au dessus de la porte d’entrée. Elle était sûre d'être au bon endroit. Elle entra avec prudence. Le cours avait commencé. Il y avait une dizaine d’élève, autant de garçons que de filles, tous en tenue d’entraînement, Keikogi. Seul le professeur était en tenue cérémonielle : kimono, avec un hakama, un obi et des tabi. Niji s’approcha et le professeur la sentit arriver et se retourna.
- Bienvenue. Déclara-t-il.
Il n’était pas japonais et avait un accent européen. Son sourire était magnifique, ses yeux étaient sublimes, et sa voix était mélodieuse. Il était plus grand qu’elle d’une tête et était nettement plus âgé. Un être parfait. Son visage ne l’était pas inconnu. Elle fouilla dans ses pensées, puis le fixa, bouche bée. C’était lui. L’homme qu’elle avait rencontré dans la supérette utopique. Le professeur se rapprocha d’elle. Elle ferma les yeux et lui tendit ses lèvres, espérant que son rêve se réaliserait
- Voulez-vous rejoindre les autres ? Demanda-t-il
Elle ouvrit brusquement ses yeux. Il ne devait pas dire cette question, mais « vous êtes ravissante ». Puis elle reprit contact avec la réalité et elle s’était rendue compte que son comportement était digne d’une idiote. Rouge de honte, elle ressortit du dojo, se maudissant de ce comportement qui n’était pas digne d’elle et qui avais mis un terme à cette histoire fictive. |